Lettre de Marc Louboutin au ministre de la Défense, au sujet de Jean-Vincent Placé
Monsieur le Ministre de la Défense,
C’est avec une profonde consternation qu’hier j’ai lu que monsieur Jean-Vincent Placé, opportun secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État depuis le 11 février 2016, allait être nommé au grade de colonel de la réserve citoyenne au 13e Régiment de Dragons Parachutistes. A sa demande, tant sur la fonction que sur l’affectation. Rien que cela...
Vous le savez, Monsieur le Ministre, les Bretons sont en général à cheval sur les principes et sur les valeurs. J’en suis depuis aussi loin que remonte ma généalogie et je n’ai guère démonté depuis ma majorité. Il y a sur nos terres autant de rudesse chez les hommes que sur le granit qui nous porte depuis toujours. Mes propos en seront donc aussi rugueux que notre berceau.
En préambule, je sais, Monsieur le Ministre, quelle valeur la majorité de vos amis du gouvernement, dont monsieur Placé et vous-même, apportez aux "symboles". Je ne crois pas en effet que cette annonce médiatique soit due au hasard et encore moins à l’envie de servir. Elle n’est qu’un jeu. Avoué par l’intéressé lui-même déclarant qu’il avait tout de même autre chose à faire de plus important que de s’impliquer pleinement dans la réserve citoyenne. Cette plaisanterie perpétuelle entre initiés consiste à ridiculiser, avec une constance enfantine, toutes les valeurs traditionnelles de notre pays. L’annonce de cette nomination le jour même de l’anniversaire de la création de la Légion d’Honneur est encore plus malheureuse. Nous savions que les décorations étaient de nos jours distribuées à la volée à qui voulaient en porter et par simple copinage des "parrains". Nous apprenons désormais que les grades militaires le sont aussi, et attribués au premier venu.
Notez que j’étais plutôt favorable à la création de la réserve citoyenne de défense et de sécurité. Après tout pourquoi ne pas faire profiter l’institution militaire des compétences civiles bénévoles ?
« Constituée de volontaires agréés auprès d'autorités militaires en raison de leurs compétences, de leur expérience, mais aussi de leur intérêt pour les questions relevant de la défense et de la sécurité nationale, les réservistes citoyens de défense et de sécurité ont pour mission principale de contribuer à la diffusion de l'esprit de défense et au renforcement du lien entre la Nation et son armée.»
J’ai également appris, sans vraiment tousser, qu’un grade honorifique leur était attribué, et cela sans pouvoir (heureusement) porter l’uniforme. Après tout pourquoi pas ? Naïvement je pensais qu’il s’agissait de grades subalternes tout à fait de principe et en reconnaissance d’un apport certifié et constant dans le temps. Je me rends compte aujourd’hui qu’il existe une équivalence de grades d'officiers supérieurs en fonction du mandat politique exercé et cela sans aucune contrepartie de compétences. Avouez qu’un secrétaire d’État issu et ancien cadre dirigeant d’un parti politique traditionnellement et résolument antimilitariste, lui-même peu enclin depuis jeune à la moindre sympathie envers la chose militaire, nommé subitement colonel dans une des plus prestigieuses unités de notre armée est un immature pied-de-nez. Comme beaucoup de mes camarades (j’y viens) j’aimerais d’ailleurs qu’en tant que ministre de la Défense vous puissiez nous exposer officiellement la réalité du parcours de Service national de monsieur Placé quand il était en âge de le faire pour juger de la pertinence de cette nomination de circonstance mais « exceptionnelle » et des preuves de son engagement constant au profit de l’institution militaire depuis son éventuelle période sous les Drapeaux qui lui mériterait un honneur tel que prévu dans les textes.
« Les volontaires issus directement de la société civile sont agréés en qualité d'officiers, de sous-officiers ou d'officiers mariniers, de militaires du rang ou de matelots de la réserve citoyenne. Un grade leur est attribué à titre honorifique en fonction des critères définis en annexe. Il n'y a pas de changement de grade pendant la durée de l'agrément. L'attribution du dernier grade du corps des officiers supérieurs doit être exceptionnelle. » (Bulletin officiel des Armées, Instruction N° 2391/DEF/CAB/CSRM/SP relative à la gestion et l'administration de la réserve citoyenne. 14 mars 2014)
Voyez-vous, Monsieur le Ministre, j’ai été Officier de réserve. Je le suis d’ailleurs toujours par la force des choses. J’ai bénéficié, au fort de Vincennes, à l’issue de mes "trois jours" comme volontaire pour une préparation militaire parachutiste, d’un entretien avec un Capitaine au vu des résultats obtenus lors des différents tests de base. Mes notes étant suffisamment bonnes il me demandait si j’étais également partant pour le peloton préparatoire aux EOR, dérogeant au principe général d'avoir fait une PMS pour accéder à cette formation. Par respect envers mes aînés, j’ai accepté. C’est ainsi que je ne suis retrouvé, ma PMP validée, dans ce que l’armée appelait alors « la promotion du peuple », une par an, à Saint-Cyr-Coëtquidan. Elle était composée pour majorité de non-bacheliers, et comme moi de beaucoup de volontaires issus de banlieue, mais aussi de zones rurales éloignées des grands centres urbains. Je vous passe, Monsieur le Ministre, les épreuves par lesquelles il nous a fallu passer, tous, au côté desquelles le film Full Metal Jacket dans sa partie formation est une plaisanterie, pour que la moitié d’entre nous seulement sorte avec des galons d’Aspirants. J’ai d’ailleurs donné le nom de mon grand-oncle, Charles Priolet, mort le 3 mai 1945 à Mauthausen pour hauts faits de résistance, à cette 305e promotion en 1983. Après un contrat de Sous-Lieutenant VSL j’ai quitté le 92e d’infanterie que j’avais choisi pertinemment, seul régiment d’appelés à l’époque à partir en OPEx, pour rentrer dans la foulée à l’école d’Inspecteurs de Police dont j’avais obtenu le concours. Je n’ai donc jamais servi dans la réserve active, ayant eu vite à utiliser la grande majorité de mon temps à une autre activité opérationnelle.
Il a pourtant fallu que je mérite vraiment, de même que mes camarades, au sens propre du terme, dans la sueur, la douleur, l’épuisement physique, le manque de sommeil continuel, les punitions diverses, sous la pluie battante et dans la boue durant des jours de rang et avec abnégation durant de longs mois d’école, mon galon d’officier de réserve d’Infanterie. Quel est celui de monsieur Placé pour devenir officier supérieur parachutiste même à titre honorifique ? Aucun. Si ce n’est celui de l’opportunisme politique, d’un don pour le reniement et le manque de parole et surtout une visible très haute idée de lui-même. A peu près tout ce que je méprise, et je suis loin d’être le seul à le penser.
La réserve citoyenne malgré la bonne volonté sans doute de la majorité de ses volontaires, de véritables experts, eux, serait donc devenue une machine à mousse égotique pour politiques en mal d’existence et de notoriété médiatique ? Une simple imprimante de cartes de visite officielles pompeuses ? Un miroir à pignoles mondaines ?
Que Diable, Monsieur le Ministre ! Quitte à se moquer du monde, allez au bout : nommez-le Général et autorisez-le par dérogation à en porter l’uniforme. Je pense pouvoir ouvrir pour lui une collecte d’objets divers, porte-clefs, emballages vides de bonbons et autres babioles clinquantes pour donner à son « placard » une image rutilante. Au-delà de distraire le monde sur les photos officielles, il aura peut-être le mérite de tenter de servir d’épouvantail aux oiseaux de mauvais augure qui promettent avec un certain bon sens à votre Parti une très sévère déculottée en 2017.
Voyez-vous, cette nomination, vous qui aimez tant la "symbolique", est celle que l’an prochain nous aurons sans doute à choisir entre la peste, le choléra et un apparent perpétuel delirium tremens comme aujourd’hui. Malgré mon amour de la nature, et l’enterrement - il y a désormais très longtemps - de mes convictions de gauche, je fais partie de ceux pour lesquels l’extinction des éléphants roses est devenu un objectif politique déterminé. Cela renforcé encore par cette volonté du PS et ses supplétifs de visiblement vouloir ridiculiser les dernières valeurs traditionnelles qu’il nous reste en France et qui n’ont rien à voir, contrairement à ce que la presse veut bien en raconter, avec un présumé "fascisme"…
Je ne vous en veux pas, Monsieur le Drian, d’être le ministre de la Défense qui va signer cette nomination ridicule, cette bouffonnerie. Il faut, après tout, des animateurs pour la gouvernementale braderie continuelle et officielle des valeurs à laquelle les citoyens assistent impuissants. Je vous en veux, par contre, de vous réclamer de chez nous en piétinant ainsi des principes républicains de respect de l’Armée, pour lesquels nos ancêtres communs se sont sacrifiés, et cela pour des raisons à peine électoralistes et des convictions qui n’ont rien à voir avec notre pays. A cause du gouvernement auquel vous appartenez, aujourd’hui, je suis Français par défaut plus que par adhésion. Parce qu’il faut bien être quelque chose.
Mais j'ai trop d'amitié et de profond respect, pour mes anciens camarades, notamment pour ceux d'entre eux qui sont devenus colonels, et pour mon beau-père qui l'était également en passant par le rang, la majorité à force d'opérations extérieures, pour laisser passer un tel affront, fût-il de simple appellation mythomaniaque.
Pendant que j’y suis, étant encore théoriquement mobilisable en tant que Lieutenant de Réserve, et ne voulant absolument pas, par principe et même par osmose de vocabulaire, faire partie du même corps d’officiers de réserve que le colonel Placé, pourriez-vous avoir l’obligeance de me rayer définitivement des cadres ? Si cela vous pose un problème administratif, contentez-vous, au vu de l’impertinence de ce courrier au ministre de la Défense que vous êtes, de me casser de mon grade. Là aussi tout est question de symbole et cela ne coûterait qu’un coup de plume ministérielle. Je vous annexe donc avec ce courrier mon fascicule de mobilisation pour un classement définitif.
Enfin, si je marque ainsi mes distances avec cette institution militaire que j’ai aimée, mais qui permet telle imposture d’un ridicule sans fond, je garde évidemment tout mon soutien et mon profond respect aux soldats, gradés, sous-officiers et vrais officiers du 13e RDP qui, même si la boue est leur univers, ne méritaient pas une telle tâche sur leur image. Et à tous ceux qui se battent sous le même uniforme dans d'autres unités pour des valeurs pourtant ouvertement bafouées. Ma «fraternité» naturelle ne s’adresse qu’à eux.
Comme l’écrivait si justement Pierre-Henri Simon dans Portrait d'un officier : « Voyez-vous, j’ai le nez fin pour certaines nuances d’odeur, et je souffre trop quand cela cesse de sentir le soldat pour puer le militaire.»
Cela n’a jamais été aussi vrai pour moi que depuis hier.
Très respectueusement.
Marc Louboutin. Ex-Lieutenant de réserve.
(Cela sera posté demain avec AR. Cela ne servira à rien. Mais c'est une question de principe)
Petite mise à jour réglementaire effectuée le 21 mai à 11h50 avant envoi au ministre
Une vraie mascarade verte, un déshonneur pour l'armée.
Rédigé par : Roland | lundi 23 mai 2016 à 20:42
Bravo !
Rédigé par : shimrod | lundi 23 mai 2016 à 23:24
Marc Louboutin renonce à d'éventuels lauriers ...
Rédigé par : Dominique | mardi 24 mai 2016 à 00:16
Avec Louboutin le ministre va trouver chaussure à son pied !
REPONSE : Elle est facile mais il fallait la faire !
Rédigé par : Roland | mardi 24 mai 2016 à 09:59
Avec Louboutin, il n'y a pas de coups de pied au cul qui se perdent ...
Rédigé par : Dominique | mardi 24 mai 2016 à 13:28
Bravo Monsieur pour la justesse de vos propos. L'armée n'a que faire de ces marionnettes de salon prêt à tout pour un honneur même pas posthume comme l'aurai dit un chanteur à moustache.
Rédigé par : lcdsm | mercredi 25 mai 2016 à 16:38